💊 Cession d’un fonds de commerce pharmaceutique : attention au prix ! (Cass. com., 4 juin 2025)

💊 Fixation du prix d’une pharmacie : les juges n’ont pas le droit de trancher ! (Cass. com., 4 juin 2025)

Céder son officine ne s’improvise pas. Et la récente décision de la Cour de cassation (chambre commerciale, 4 juin 2025, n° 24-11.580, F-B) rappelle un principe fondamental : le prix d’une vente de pharmacie ne peut jamais être fixé par un juge, même si les parties le demandent expressément.

Dans cet article, nous décryptons pour vous cet arrêt clé et les bonnes pratiques contractuelles à adopter lors de la vente ou de l’achat d’un fonds de commerce pharmaceutique.

⚖️ Que s’est-il passé ? Retour sur les faits

Deux sociétés pharmaceutiques, la SNC Pharmacie Girardeaux (cédante) et la SELARL Pharmacie Bourdois (cessionnaire), concluent en 2015 une promesse de cession d’officine. Le prix n’est pas fixe, mais indexé : il doit représenter 80 % du chiffre d’affaires annuel, après retraitement de plusieurs postes (ventes hors comptoir, matériel médical, astreintes, etc.).

Prévu par le contrat :

• un expert tiers désigné en cas de désaccord,
• et, à défaut d’accord sur cet expert, la désignation par le président du tribunal de commerce de Niort.

Un désaccord survient après signature, notamment sur le montant des éléments à déduire. La cédante saisit alors le tribunal… en lui demandant de fixer le prix.

🚫 Le juge ne peut jamais fixer le prix d’une cession de pharmacie

📌 Ce que dit la Cour d’appel de Poitiers (2023) :

• Elle accepte de calculer elle-même le prix de cession, estimant qu’elle ne fait qu’appliquer les paramètres contractuels.
• Elle le fait notamment parce que la cédante lui a demandé explicitement de fixer ce prix.

Mais… elle viole la loi, selon la Cour de cassation.

⚖️ La décision de la Cour de cassation (juin 2025) :

• Cassation ferme de l’arrêt d’appel : le juge ne peut pas fixer le prix de la vente d’un fonds de commerce (📜 articles 1591 et 1592 du Code civil).
• Même si les parties le lui demandent, cela ne lui donne aucun pouvoir supplémentaire (📜 article 12 CPC).
• La désignation d’un expert ne peut se faire que dans les conditions prévues par le contrat, ici par le président du tribunal de commerce et non la cour d’appel.
• Résultat : la Cour annule l’ensemble des décisions antérieures, rejette la demande de fixation et renvoie les parties à leur propre clause contractuelle.

💡 Enjeux pour les titulaires d’officine

💰 Enjeu financier majeur

• En cas de désaccord, une erreur de procédure peut vous faire perdre plusieurs centaines de milliers d’euros (ici, plus de 260 000 € de solde contesté).

⚠️ Enjeu juridique central

• Le prix doit être :
• déterminé ou déterminable dès l’origine,
• jamais laissé à l’appréciation du juge,
• éventuellement confié à un tiers évaluateur désigné selon les formes prévues au contrat.

✅ Conseils pratiques pour vendre ou acheter une pharmacie

1. Rédigez une clause de prix juridiquement sécurisée

Précisez :

• le mode de calcul (ex. : pourcentage du CA N-1 retraité),
• la liste exhaustive des éléments à inclure ou exclure,
• le recours à un expert tiers, avec procédure claire.

2. Évitez les erreurs procédurales

• Ne saisissez jamais un juge pour fixer le prix !
• En cas de désaccord, activez la clause de désignation d’un expert.
• Si blocage : saisissez le président du tribunal compétent, pas le juge du fond.

3. Prévoyez une clause de sauvegarde

• En cas d’échec dans la désignation d’un expert, ajoutez :
  « À défaut d’accord, un expert sera désigné par le président du tribunal de commerce de [ville], à la demande de la partie la plus diligente, conformément à l’article 1592 du Code civil. »
  

4. Faites-vous assister dès la rédaction

• En amont, sollicitez un avocat en droit des affaires.
• En aval, si désaccord, n’agissez pas dans la précipitation : une action mal dirigée est irrecevable… et coûteuse.

🔍 Ce qu’il faut retenir

Même si vous êtes d’accord pour demander au juge de fixer un prix, il ne peut pas le faire. Seul un tiers expert désigné dans les règles peut trancher.

Cet arrêt de 2025 est une piqûre de rappel utile pour toutes les pharmacies en cession ou en acquisition. L’erreur juridique peut être évitée dès la rédaction des actes. Ne laissez pas une clause mal formulée mettre en péril votre transmission.

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